Quand on lance "Goodnight Universe", la promesse intrigue : incarner un bébé de six mois, doté de pouvoirs psychiques, dans un univers fait d’objets du quotidien, de souvenirs familiaux, et d’une réalité qui semble à la fois tendre et menaçante. Le studio à l’origine du très remarqué « Before Your Eyes » revient avec une proposition audacieuse : mêler introspection, narration sensible et mécaniques de jeu originales.
Dans "Goodnight Universe" vous incarnez "Isaac" un bébé apparemment ordinaire, sauf qu’il découvre qu’il possède des pouvoirs étonnants... L’histoire, à la fois intime et légèrement surréaliste, place le joueur dans un quotidien familièrement étrange. Mais derrière l’apparente innocente banalité se cache une intrigue : une corporation technologique mystérieuse s’intéresse à Isaac, ce qui transforme la « chambre d’enfant » en terrain de conspiration. Le ton se met rapidement en place : l’innocence du bébé, son regard sur le monde, son incompréhension face à ce qui l’entoure, mais aussi cette différence étrange — le don psychique — qui le distingue, le rend fragile, spécial, parfois en danger. On sent très vite que le jeu ne sera pas un simple conte : c’est un récit teinté de mélancolie, de questions sur l’identité, la famille, l’amour, la différence. Le format “jeu d’aventure narrative” permet à "Goodnight Universe" d’explorer ces thèmes avec tact. On ne court pas, on ne se bat pas à l’arme blanche ; on observe, on interagit, on ressent. Chaque geste tendre, maladroit, curieux peut avoir des conséquences. Et c’est dans cette fragilité (celle d’un bébé, d’un être en construction) que le jeu puise sa force. L’un des atouts principaux du jeu, c’est sa façon d’interagir avec le monde : le regard, les expressions du visage, les mouvements de tête ou des yeux peuvent servir à manipuler des objets, à déclencher des actions, à faire des choix. Cela crée une proximité — presque une empathie — entre le joueur et Isaac, comme si on partageait vraiment son regard. A l’usage, les contrôles restent simples, l’interface accessible, et la narration mise en avant. On peut choisir de vivre l’aventure de manière “classique”, sans gadgets, et pourtant être touché par l’écriture, la progression et l’atmosphère. Le contraste fonctionne : un bébé, des pouvoirs étranges, un univers familier, mais la sensation d’être… à la fois vulnérable et puissant. Les scènes s’enchaînent : moments doux, tendres, presque poétiques — un petit jeu, un biberon, un jouet — mais aussi tension dès qu’il faut fuir, se cacher, survivre. La transformation du quotidien en terrain de danger, la découverte des pouvoirs, l’isolement, la peur, l’innocence volée… Tout ça donne un "cocktail" puissant, qui parle autant aux émotions qu’à l’imaginaire.
Une mise en scène touchante
"Goodnight Universe" ne vise pas le grand spectacle, mais l’intime. Le design visuel, stylisé — pas forcément réaliste, mais expressif — sert très bien le récit. Les ambiances sont variées : lumière chaude d’un foyer, crépuscule, nuit, clarté du jour, intérieurs étouffants ou lumières froides quand la menace se précise. On sent que chaque scène a été pensée pour faire naître des émotions, des doutes, des petits frissons. Le jeu sait jongler avec les sentiments : humour, innocence, crainte, espoir, incompréhension, souvenirs — tout y passe. Et très souvent, ça fonctionne. On s’attache à Isaac, on comprend ses peurs, ses désirs, sa solitude. On finit par oublier qu’on “joue un bébé” : on est le bébé, avec ses émotions, ses doutes, ses rêves, ses cauchemars. Mais ce parti pris narratif a aussi ses risques : certaines scènes sont intenses, parfois bouleversantes. On n’est pas dans l’action ou le spectaculaire, mais dans le ressenti, la sensibilité. Si on est prêt à se laisser emporter — sans attendre des explosions ou des fusillades — on vit une expérience forte. Goodnight Universe s’adresse avant tout à ceux qui aiment les jeux narratifs, sensibles, originaux, ceux qui cherchent une expérience plus contemplative, introspective. C’est un jeu focalisé sur les émotions. Il demande un peu de patience : le rythme est posé, on prend le temps d’observer, de ressentir, de réfléchir. On n’est pas dans une aventure effrénée, mais dans une exploration sensible de l’identité, de l’enfance, de la famille, de la différence. Ceux qui aiment les punchs narratifs, les récits durs, les ambiances un peu folles mais profondes, trouveront ici matière à se laisser toucher. Ceux qui cherchent un action‑jeu nerveux, spectaculaire, passeront sans doute leur chemin.
Le style graphique, doux, parfois naïf, parfois étrange, colle parfaitement à l’histoire. Les décors — intérieurs, chambre d’enfant, maison, couloirs — sont soignés et les lumières, les ombres, la couleur, le rendu participent beaucoup à l’atmosphère. Ce n’est pas du AAA réaliste, mais c’est suffisant pour plonger dans l’univers d’Isaac et accepter son regard de bébé psychique.
La mécanique “caméra comme manette” est un pari audacieux et assez rare — quand elle fonctionne, elle apporte une vraie immersion. Mais même sans, le jeu reste fluide, les contrôles simples, et l’expérience prenante. Le contraste entre innocence et pouvoir crée des moments forts, sans pour autant tomber dans le compliqué ou le casse‑tête.
C’est clairement le point fort du jeu. Entre l’écriture, le ton, les dialogues, les réactions, les silences, les musiques... Le jeu parvient à construire une atmosphère intime, fragile, juste. On rit, on frissonne, on s’attendrit.
L’histoire n’est pas infinie, elle se vit comme un récit. Ce n’est pas un monde ouvert, mais un "voyage". On peut le parcourir en quelques heures (4‑6 h selon le rythme), ce qui peut paraître court. Mais le propos, l’impact, la résonance valent largement le détour. Pour ceux qui aiment refaire l’aventure, tester les choix, c’est possible — mais l’expérience reste centrée sur l’histoire plus que sur l’exploration infinie.
Goodnight Universe est une expérience audacieuse, sensible, originale. Ce n’est pas un gros blockbuster spectaculaire, mais un conte intimiste, une histoire autant qu’un jeu ! Pour qui accepte de lâcher prise, de s’ouvrir à l’émotion, c’est un "petit bijou" vidéoludique. Une aventure douce‑amère, étrange, parfois bouleversante, mais toujours sincère. Brillant !